Cour territoriale

Tribunal avec option d’atténuation de la peine pour violence familiale

Tribunal avec option d’atténuation de la peine pour violence familiale

Le Tribunal avec option d’atténuation de la peine pour violence familiale (APVF) a été créé en 2000 pour essayer, d’une part, de remédier au nombre alarmant de cas de violence familiale et, d’autre part, de donner suite aux plaintes de nombreux Autochtones qui se sentaient lésés par le système de justice officiel qui ne permet pas de prendre en considération les valeurs culturelles autochtones et de réagir à la perception générale selon laquelle trop peu de victimes signalent à la police les incidents de violence familiale dont elles font l’objet. Parmi les cas qui étaient signalés, nombre étaient ensuite mis en suspens ou la plainte était retirée parce que la victime refusait de témoigner ou modifiait sa dénonciation afin de protéger l’accusé.

Plusieurs s’entendaient pour dire que le système de justice traditionnel, par sa nature accusatoire, punitive et centrée sur les contrevenants, ne contribuait en rien à réduire la violence familiale, en partie parce qu’il ne répondait pas aux besoins des victimes. Les interventions typiques menées dans le contexte d’infractions criminelles semblaient avoir peu d’effet dissuasif sur les récidivistes. Les principes sous-jacents au fonctionnement du Tribunal avec option d’APVF sont tout autres. Il s’agit d’abord et avant tout d’un mécanisme axé sur la thérapie qui a pour but d’amener les contrevenants à assumer la responsabilité de leurs actes tôt dans le processus judiciaire et de les aider à comprendre et à « désapprendre » leur comportement criminel. On a en même temps recours à l’autorité d’un juge pour surveiller le comportement des contrevenants afin d’assurer aux victimes une protection maximale.


L’instauration du Tribunal avec option d’APVF se fondait sur la conviction qu’un nombre plus élevé de victimes seraient prêtes à participer à un processus judiciaire si celui-ci offrait une possibilité de traitement aux contrevenants ou exigeait de ces derniers qu’ils reconnaissent la responsabilité de leurs actes en plaidant coupables au début du processus. Pour être vraiment efficace, cette solution de rechange doit en même temps permettre de tenir les contrevenants responsables de façon tangible sans mettre le moindrement à risque la sécurité des victimes.

Le Tribunal avec option d’APVF est une façon différente de traiter avec les auteurs de violences familiales, mais il ne s’agit nullement d’un mécanisme de déjudiciarisation. Au contraire : il vise à ce qu’un nombre accru d’auteurs de violences familiales soient amenés devant la justice. Il a pour objet, en se fondant sur les principes de jurisprudence thérapeutique, d’inciter les contrevenants à assumer la responsabilité de leurs actes de façon précoce et d’encourager un nombre accru de victimes à signaler les cas de violence familiale, en offrant à leurs partenaires une possibilité de recevoir les traitements dont ils ont besoin sous la supervision de la cour et de purger leur peine dans la collectivité.

Vue d’ensemble sur le fonctionnement du Tribunal avec option d’APVF

Le tribunal avec option d’APVF fait intervenir des juges spécialisés dans ce type de cas et met également à contribution de nombreux partenaires clés : intervenants des services aux victimes, personnel des programmes de traitement, policiers, procureurs de la Couronne, avocats de la défense et travailleurs sociaux, etc. Les objectifs du tribunal sont les suivants :

  • encourager le signalement des incidents de violence familiale; 
  • permettre une intervention rapide; 
  • offrir une solution de rechange au système pénal officiel pour instruire les cas de violence familiale, qui soit davantage axée sur la thérapie que l’accusation; 
  • réduire le pourcentage exagérément élevé de cas qui n’aboutissent pas; 
  • responsabiliser véritablement les délinquants; 
  • offrir une option de traitement aux contrevenants sous l’étroite surveillance du tribunal et de professionnels; 
  • encourager les auteurs de violences familiales à accepter la responsabilité de leurs actes et à plaider coupable dès le début de la procédure; 
  • offrir une protection, un appui et de l’information aux victimes.

Le processus s’enclenche dès qu’un cas est signalé à la GRC. On y donne suite en dépêchant des agents sur les lieux pour enquêter conformément aux directives contenues à ce sujet dans un guide spécial d’évaluation du risque. S’il s’avère non nécessaire d’arrêter l’agresseur, les policiers lui imposeront néanmoins certaines conditions qui ont pour objet de limiter les risques de récidive, dont une ordonnance de non-communication et l’obligation de se présenter devant la personne désignée pour assurer la surveillance des contrevenants en liberté sous caution.

Le bureau d’aide juridique et celui du procureur du ministère public ont chacun désigné un avocat particulier chargé d’assister aux audiences du Tribunal avec option d’APVF. De cette façon, ces personnes sont en mesure de développer des compétences particulières dans le domaine et d’assurer un suivi de chaque cas jusqu’à la fin. L’avocat de service de l’aide juridique procède pour ces audiences de la même manière qu’il le ferait pour celles tenues par la Cour de circuit, c’est-à-dire qu’il évalue l’admissibilité du défendeur à l’aide juridique au moment de sa comparution, ce qui évite les retards et les ajournements inutiles.

La GRC fait inscrire tous les nouveaux cas de violence familiale au rôle de la prochaine séance du Tribunal avec option d’APVF. Le tribunal est constitué de juges assignés spécialement pour l’instruction de tels cas qui siègent tous les deux lundis. La période entre « l’inculpation » et la comparution de l’accusé est ainsi considérablement réduite, ce qui constitue un aspect fondamental de ce système axé sur le traitement sans délai des cas de violence familiale. Que l’accusé soit mis en détention ou laissé en liberté sous caution, il est tenu de comparaître à la première audience du Tribunal avec option d’APVF suivant l’incident ayant donné lieu à la plainte.

L’instruction de tous les nouveaux cas, à la même heure, toutes les deux semaines, dans la même salle d’audience, facilite la tâche aux diverses personnes-ressources qui doivent y assister (dont des représentants de la Section de la prévention de la violence familiale, des Services aux victimes, des Services à l’enfance et à la famille et du Service de probation) de planifier leur programme en conséquence.   Avant le début de l’audience, les divers intervenants, exception faite des juges, se rencontrent pour discuter de chaque cas inscrit au rôle. Ils échangent de l’information sur l’accusé, la victime et l’incident, discutent de certains aspects clés du cas et formulent des recommandations. Cette façon de faire accélère considérablement le processus, car elle permet généralement aux parties de s’entendre avant même le début de l’audience.

La première audience sert entre autres à expliquer à l’accusé la façon dont procède le Tribunal avec option d’APVF.   S’il veut que sa cause soit instruite par celui-ci, il doit en faire la demande expresse, et être prêt à accepter la responsabilité des actes dont il est accusé. Une telle demande est normalement présentée à la première ou à la seconde audience. Un ajournement n’est accordé que pour des raisons bien particulières, par exemple pour obtenir un supplément d’information, et normalement n’excède pas deux semaines. Suivant le dépôt, par l’accusé, d’une demande d’instruction par le Tribunal avec option d’APVF, l’affaire est reportée jusqu’à la prochaine séance, soit deux semaines, pour permettre à la Section de la prévention de la violence familiale d’évaluer le contrevenant et de déterminer son admissibilité au programme de traitement. S’il est jugé inadmissible, son cas est renvoyé devant une cour de justice traditionnelle. C’est assez rare qu’on déclare un contrevenant inadmissible, mais cela arrive, notamment dans le cas de personnes souffrant de troubles de santé mentale graves ou d’une dépendance aiguë à l’alcool ou à la drogue.   Il arrive aussi qu’on l’accepte sous condition, c’est-à-dire qu’on lui impose de prendre part à un autre programme avant d’entreprendre le traitement offert par le programme de lutte contre la violence conjugale. 

 Une fois qu’il est admis au programme de traitement, le contrevenant doit se présenter devant la cour pour plaider coupable, à défaut de quoi il ne pourra être autorisé à entreprendre le traitement.    S’il plaide non coupable, son cas est renvoyé devant une cour de justice traditionnelle.

Le tribunal entend les recommandations relatives au traitement, lesquelles peuvent devenir des conditions dont est assorti un engagement, si un tel acte a été contracté. Il se peut que des modifications mineures soient apportées au plan de traitement à l’occasion de révisions ultérieures par le tribunal. Les besoins du contrevenant pourraient ne pas se limiter à des soins thérapeutiques, auquel cas il revient à l’agent de probation de signaler la situation, normalement sous forme de rapport.   Une fois le plaidoyer de culpabilité inscrit, les responsables du programme de lutte contre la violence conjugale procèdent à une évaluation clinique en profondeur du contrevenant; après quoi il peut se joindre au groupe participant aux séances de traitement. Tout au long du programme, son cas sera revu mensuellement par le tribunal pour évaluer ses progrès. Tout au long du programme, son cas sera revu mensuellement par le tribunal pour évaluer ses progrès. Un contrevenant qui ne respecte pas son plan de traitement, ne se présente pas aux séances ou ne participe pas durant les séances de traitement de groupe peut être renvoyé devant une cour de justice traditionnelle pour recevoir sa condamnation.

Pendant que le contrevenant suit le programme de traitement, on fait tout ce qu’il est possible de faire pour répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes. En priorité, on veille à leur sécurité. Le personnel des Services aux victimes leur offre tout le soutien nécessaire et voit à ce qu’elles soient dûment renseignées sur les services disponibles. Par ailleurs, on leur donne l’occasion, dans le contexte d’une évaluation du ou de la partenaire réalisée par les responsables du programme de lutte contre la violence conjugale, de participer au processus d’évaluation de leur agresseur. On communique régulièrement avec elles tout au long du programme de traitement pour discuter de toutes questions épineuses qui pourraient surgir. Ce sont autant de façons d’encourager la participation des victimes au processus d’évaluation des contrevenants. Le tribunal veille à ce que les victimes aient l’occasion de se faire entendre à chaque étape du processus et pourrait ordonner que certains documents de la cour soient mis à leur disposition.

Les agents de probation cernent les autres programmes auxquels il serait indiqué que le contrevenant participe et préparent normalement un rapport à ce sujet pour aider le tribunal à déterminer la peine. Les représentants des Services aux victimes, l’avocat de la défense et le procureur du ministère public font leurs recommandations à l’agent de probation. Le tribunal impose normalement la peine une fois que le contrevenant a terminé le traitement offert par le programme de lutte contre la violence conjugale et qu’on a cerné les autres programmes auxquels il devrait prendre part, qu’il les ait ou non entrepris.
La détermination de la peine a lieu une fois que le programme de traitement imp

sé est terminé. Ce programme inclut obligatoirement le traitement de 15 semaines offert par le programme de lutte contre la violence conjugale, qui comprend des séances de groupe animées par un conseiller et un programme parallèle de prévention de récidive qui peut durer plusieurs semaines supplémentaires. À ceci peut s’ajouter la participation à divers autres programmes, par exemple des programmes de thérapie pour alcooliques et toxicomanes, d’aide aux personnes en deuil, de développement des compétences parentales ou de thérapie de couple. Dans certains cas, on pourrait exiger que le contrevenant ait déjà commencé ces programmes avant qu’ait lieu la détermination de la peine.

La peine imposée tiendra compte du fait que le contrevenant a plaidé coupable dès le début, de sa participation au processus de traitement et des progrès réalisés à cet égard, tout en reflétant les principes sous-jacents à la détermination de la peine énoncés dans le Code criminel. Le tribunal opte normalement pour une peine à purger dans la collectivité, à savoir une condamnation à l’emprisonnement avec sursis assortie d’une mise en probation ou une simple mise en probation, mais pourrait aussi, si le contrevenant a enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution, le condamner à une peine d’emprisonnement. Dans un cas comme dans l’autre, toutefois, la peine imposée reflétera le fait que le contrevenant pose moins de risque qu’il ne l’aurait fait s’il n’avait pas entrepris les programmes recommandés qu’il est tenu de terminer.

Le Tribunal avec option d’APVF du Yukon a fait l’objet d’une étude réalisée par le Canadian Research Institute for Law and the Family de l’Université de Calgary. On peut consulter le rapport d’évaluation ici (en anglais).

Dans ce rapport, les auteurs ont conclu que le Tribunal avec option d’APVF était une solution efficace au problème de violence familiale.

Dans l’ensemble, on peut dire que le Tribunal avec option d’APVF jumelé au traitement offert par le programme de lutte contre la violence conjugale est une combinaison gagnante. Certes, chaque composante du système est, en soi, un outil efficace de lutte contre la violence familiale, mais leur mise en commun est encore bien plus efficace et semble mieux à même de prévenir les cas de récidive chez cette clientèle difficile. En alliant une composante judiciaire à une composante thérapeutique ciblant les agresseurs, le Tribunal avec option d’APVF fournit un modèle de traitement qui a fait ses preuves en matière de violence conjugale.